Contre la fermeture de l’École d’Art de Rueil-Malmaison


COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU 24 OCTOBRE 2008


L’École Supérieure d’Arts de Rueil-Malmaison, seule école territoriale parmi les trois établissements d’enseignement supérieur « beaux-arts » en Ile-de-France, est menacée de disparaître : la mairie entend se désengager en totalité du financement de l’école, laquelle ne pourrait plus dès maintenant accueillir de nouveaux étudiants, et disparaîtrait une fois achevé le cursus de trois ans dû aux lauréats du concours d’entrée 2008.

Cette école existe comme classe préparatoire publique depuis 1988 ; en tant que telle, elle est une des rares écoles publiques en France à préparer l’entrée aux écoles nationales et internationales d’arts, de design et d’arts appliqués. Elle a d’autre part été agréée en 2001 par le Ministère de la Culture pour préparer un diplôme national d’arts plastiques (DNAP, niveau licence) option art en trois ans.

Au-delà du cas d’espèce, c’est la pérennité de l’enseignement artistique en France qui est en question : sur les 59 écoles supérieures d’art réparties sur le territoire, 48 sont des écoles territoriales, c’est à dire financées en quasi totalité par leur ville d’accueil, et par conséquent dépendantes de la seule volonté de l’équipe municipale en place, alors que l’enseignement supérieur devrait être porté par l’État ou la Région.Dans le contexte actuel d’inquiétude financière, où de surcroît l’État tend à restreindre les ressources allouées aux municipalités, les écoles d’art apparaissent comme des candidates idéales aux sacrifices budgétaires. Bien que le caractère anormal et dangereux de cette situation soit connu de longue date, les gouvernements successifs ne se sont pas donnés les moyens d’y remédier, et l’État semble plus éloigné que jamais de sa responsabilité à l’endroit de l’enseignement supérieur des arts plastiques  : le Ministère de la Culture n’a rien de mieux à proposer aux écoles placées sous sa tutelle qu’un encouragement cynique à se trouver elles-mêmes de nouvelles sources de financement, les régions pour leur part ne sont actuellement dotées ni de la mission, ni des moyens d’assurer cette tâche.

Tout ceci intervient dans le contexte de l’harmonisation européenne des diplômes, plaçant les établissements devant la double contrainte d’avoir à changer de statut pour obtenir l’agrément de leurs diplômes, sans pourtant qu’aucun statut viable ne leur soit vraiment proposé – l’Europe servant ainsi une nouvelle fois de prétexte à une dénégation de responsabilité, voire à la liquidation en règle d’un certain nombre d’écoles.

Qui va désormais assumer la charge de l’enseignement artistique en France ? Veut-on encore d’un tel enseignement dans ce pays, alors même que la création intellectuelle et artistique prend une part croissante dans les échanges mondiaux ?

Loin de n’être qu’un petit monde fermé sur soi, héritage désuet d’une époque révolue, pépinière pour le marché ou simple lieu de transmission académique, une école d’arts forme ses étudiants à se confronter aux notions de création, production et diffusion en prise directe avec des contextes économiques et sociaux qui débordent le champ de l’art stricto sensu. Elle est un lieu de questionnement et de recherche, un laboratoire d’expérimentations ouvert sur le monde où sont pris en compte des paramètres variés – citoyenneté, urbanisme, technologies, économie – et des publics hétérogènes. Elle constitue une force de proposition originale, par laquelle la transversalité des compétences, la mobilité et la capacité d’innovation, notions aujourd’hui incessamment valorisées par nos gouvernants, se trouvent de fait déjà couramment mises en œuvre.

Les candidats, du reste, ne manquent pas pour une telle expérience, notamment en région parisienne où l’offre actuelle est déjà notoirement sous-dimensionnée, rendant d’autant plus scandaleuse la fermeture d’une école dont, par ailleurs, la qualité d’enseignement est reconnue par ses étudiants, par les institutions qui accueillent ces derniers pour la poursuite de leurs études en second cycle, voire par les acteurs politiques et institutionnels qui entreprennent néanmoins de l’étrangler.
Si l’on soustrait au paysage actuel les 35 places offertes à Rueil en première année, resteront les 70 de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et les 40 de l’École Nationale Supérieure d’Art Paris-Cergy, pour une région de 12 000 000 d’habitants (à titre de comparaison :  5 écoles en Rhône-Alpes pour une population de 6 000 000) : à qui fera-t-on croire que la fermeture de cette école ne serait qu’un problème local ?

Les enseignants de l’école en appellent à tous les interlocuteurs concernés par l’enseignement artistique dans sa globalité pour que soit enfin envisagée sérieusement une solution viable au statut et au financement des écoles ; plus particulièrement l’État, auquel incombe jusqu’à présent la charge de l’enseignement supérieur, la région, vouée à étendre ses prérogatives, toutes les collectivités et institutions susceptibles d’apporter un soutien, et l’ensemble du réseau des écoles, concernées demain par de semblables mesures. Une pétition lancée en juin a déjà recueilli plus de 2700 signatures.

L’équipe de l’École Supérieure d’Arts de Rueil-Malmaison

Au 18 novembre il y avait 3357 signatures, pour signer la pétition > http://esarueil.e3b.org/