Le peuple veut / texte du catalogue

Un trait sans limite pour un jour sans fin

Un dessinateur de presse a choisi de se confronter chaque jour au plus inépuisable des sujets : l’actualité. Il a plus que conscience du monde qui l’entoure tant il l’observe, l’analyse et le vit en temps réel, dessinant au rythme des événements. Son trait est une mesure perpétuelle du temps, une trace permanente de l’histoire, la voix même de l’opinion.
Autant témoin qu’acteur, il se doit de prendre une position instantanée afin d’envisager la moindre de ses images. Réflexe vital de dénoncer les injustices, besoin oppressant de crier la vérité, il préfère toujours rire du pire plutôt qu’en pleurer. « Dites-moi si les dessinateurs de presse s’expriment librement dans votre pays et je vous dirai qui vous êtes » ? C’est une phrase qui pourrait servir d’introduction à un chef d’état avant qu’il ne s’apprête à serrer la main d’un éventuel dictateur. Ici et ailleurs, on pratique avec condescendance l’autocensure, comme un luxe bien-pensant à l’occidentale, mais qu’en est-il de la vraie censure ? Celle qui tue ?
Les événements tunisiens ont capté toutes les attentions ces derniers mois et engagé un mouvement historique irréversible. Qui n’a pas entrevu un nouveau monde se dessiner sous ses yeux ? Car c’est bien de là que tout commence, des images, d’abord celles d’atroces violences et ensuite, de sublime liberté. Des drapeaux rouges, des croissants blancs, des étoiles, des hommes et des femmes poings levés… Ces images en font naître de nouvelles, sous le trait des dessinateurs tunisiens, empreintes cette fois d’humour et de poésie. Le 14 janvier 2011, sous la signature de Willis, un chat prend la parole pour mieux couper la sienne à Ben Ali et ce jour-là plus rien ne le fera taire, lui et tous les autres. À travers ces dessins, c’est aujourd’hui la Tunisie tout entière qui nous raconte sa grande et belle révolte.

Sarah Fouquet